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J'ai vu Elisabeth ou l'équité

13 Novembre 2013, 17:30pm

Publié par Gilbert Edelin

Décidément Eric Reinhardt, auteur de "Elisabeth ou l'équité", est très sollicité en ce moment: il faut dire qu'hier soir (12 novembre 2013) c'était la première de cette création et pour ma part j'ai beaucoup apprécié cette pièce et cette mise en scène, c'est donc très bien qu'il s'exprime ici et ailleurs. D'abord, s'il n'est pas si fréquent que le théâtre s'intéresse au social, au monde du travail, à l'entreprise, il est rarissime qu'on y traite des cadres supérieurs, placés entre leur loyauté à l'entreprise et leurs valeurs humaines. Cette "caste" avec ses privilèges mais aussi ses contraintes est un sujet que le radar des médias et de la culture n'accroche pas: malgré son rôle dans les conflits sociaux on n'aborde en général l'entreprise que par la base, qui s'exprime plus naturellement et plus facilement par ce canal, qui est même un outil de lutte.

Sur le fond j'ai été surpris de la qualité de l'analyse même si les romans de cet auteur étaient toujours très chargés de véracité. Dans cette sorte de conte, comme le dit l'auteur, on rencontre : les différents pouvoirs à l’œuvre, des actionnaires aux syndicats; les forces et faiblesses des êtres humains aux manettes dans ce système où la seule valeur affirmée est celle de la plus grande rentabilité; la réalité au plus près des relations entre la direction et les syndicats, une réalité qui va à l'encontre des idées toutes faites sur la façon dont se gèrent les conflits ; et beaucoup de détails qui n'en sont pas, comme le poids de la langue "universelle" dans les multinationales, l'américain évidemment (je connais au moins une entreprise française où dès qu'il y a un non-français sur dix participants à une réunion en France on parle américain...), ou encore la communication externe à l'entreprise. J'ai retrouvé là tellement de vérité que c'est à se demander si ce n'est pas plus un condensé qu'un conte. Ce drame au sein du pouvoir dans le capitalisme financier montre certes des caractères plus que des personnes mais précisément les personnes dans l'environnement des directions d'entreprises sont essentiellement ramenées à un jeu de rôles. Quant à la marge de manœuvre qu'aurait chaque individu dans ce contexte, elle est de fait extrêmement réduite. J'ai pu expérimenter personnellement quelquefois l'utilisation de cette marge mais ça n'a rien changé au système, c'est une utopie sympathique de le croire mais, hélas, ça ne pèse pas lourd, il faut trouver autre chose...

Le style de l'écriture, bien que précis, ne pas pas paru outrageusement réaliste: ce sont des caractères, non des personnes qui parlent et il n'y a pas de psychologie. Certains moments soulignent aussi le côté enfantin du comportement de certains patrons (le tambour du CEO), un aspect du pouvoir rarement avoué.

Quant à la mise en scène, au jeu, lors de cette première hier soir que je garderai dans ma mémoire, je n'ai pratiquement que des commentaires positifs à faire : une scéno simple et suffisante avec parois mobiles bien utilisées, des manipulations des changements de décor bien maîtrisées par les comédiens; un jeu subtil et juste pour exprimer ces caractères peu souvent mis sur un plateau. Bravo à tous ! Le seul petit bémol concerne des points techniques faciles à corriger: quelques pbs d'affichage des traductions , trop faible intensité de voix par moments pour certains (j'ai pu faire le test du fond de la salle!).

Donc allez-y et on en reparle....

 

et écoutez le en parler sur France Culture

 

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