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"Extension du domaine de la manipulation/ De l'entreprise à la vie privée" de Michela Marzano

4 Janvier 2019, 17:03pm

Publié par Théâtre & Monde du Travail

"Extension du domaine de la manipulation/ De l'entreprise à la vie privée" : c'est le titre d'un ouvrage de Michela Marzano (philosophe) qui a dix ans mais reste d'actualité. Elle y développait l'analyse suivante : 
"Le nouveau management fait du développement personnel et de l’épanouissement individuel des salariés la finalité de la vie professionnelle. A l’heure de ” l’entreprise à visage humain “, du coaching et des chartes d’éthique, jamais pourtant l’angoisse n’a été aussi forte dans le monde de l’économie. Jamais les suicides n’ont été aussi nombreux au sein de l’entreprise. Sous prétexte de mettre l’homme au cœur du travail et de favoriser son développement, les nouveaux managers réclament un engagement sans réserves de la part de leurs employés. Sous prétexte de vouloir construire une entreprise à visage humain qui favorise leur créativité, ils transforment le ” savoir être ” en pièce maîtresse de l’évaluation des salariés." Michela Marzano, en philosophe autant qu’en polémiste, jette un éclairage inédit sur cette nouvelle forme d’aliénation contemporaine : l’extension du domaine de la manipulation, de l’entreprise à la vie privée. On pourrait aussi ajouter : à la société!
Comme d'autres livres consacrés à la novlangue managériale (Agnès Vandevelde-Rougale) ou au maniement des hommes ( Thibaud le Texier) ou encore au management désincarné (Marie-Anne Dujarier) cet ouvrage pointe les ambiguïtés, le double langage du discours managérial et la manipulation dont il est porteur en insufflant des injonctions paradoxales. Elle note en passant qu'ENRON avait une très belle charte d'éthique et une "culture" résumée par ces trois valeurs: respect, intégrité, excellence...
On peut aujourd'hui citer aussi le cas des GAFA bien sûr qui vantent la responsabilité sociale de l'entreprise tout en utilisant toutes les failles de la fiscalité internationale pour réduire leur note fiscale. Ce double discours, qui est de plus en plus mal ressenti par les salariés, contribue in fine non pas à l'amélioration du bien-être au travail mais à sa dégradation. C'est tout le paradoxe du management bienveillant, la nouvelle coqueluche des consultants en organisation et management. Ces comportements minent notre société : ils modèlent la ville, les discours et les consciences, ce que trop peu de pièces abordent sur le fond...
Pas nouveau mais finement analysé.

 

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